Démocracie interne et "unité", les deux maux du PS

Publié le par Toine

Tiens, je réalise que j'ai pas encore parlé politique sur ce blog (à part un vieux texte et des sujets internationaux), alors que je ne faisais que ça l'an passé sur les forums. Bon il faut dire, qu'outre que l'élection de Sarkozy et les conversions à sa pseudo ouverture ont été dures à digérer pour les "plus ou moins sympathisants socialistes" comme moi, il devient de plus en plus dur pour nous autres de parler politique sans taper d'abord sur notre camp. J'ai même l'impression que c'est devenu un véritable phénomène de société. J'ai fait un petit tour des blogs et forums que je fréquentais l'an passé, et mon impression est que les posteurs "socialistes" et apparentés se divisent globalement en deux catégories : ceux dont l'activité a énormément chuté depuis mai dernier, et ceux qui consacrent l'essentiel de leur énergie à dénoncer ceux qui pour eux sont responsables de notre échec (Ségo / François / Laurent ou Dominique / les "éléphants" ou les "jeunes loups" ; ou encore les ouistes / les nonistes / les socio-démocrates / les pas socio-démocrates / les adhérents à 20 euros / les vieux militants modèle ère Mitterand / le(s) reste(s) de la gauche.... Rayez les mentions inutiles - ....donc rayez les toutes ça ne changera rien à nos défaites) .

Pour moi en effet le parti socialiste a avant tout été victime de sa démocratie interne (et les Verts également, et plus encore même). Il n'y a qu'à voir à la présidentielle : sur les cinq plus grands partis de France, trois avaient pour candidats leur chef incontesté, désigné par les militants uniquement sous la forme du plébiscite d'un candidat unique, et ces trois là, l'UMP, l'UDF et le FN avaient aussi un programme issu d'une motion unique. A part le FN ils ont fait d'excellents résultats. Notemment Bayrou, qui avant de faire un excellent score au 1er tour avait été plébiscité comme candidat à 98% (!!) par les militants de son parti pourtant déjà au bord d'éclater (40% d'abstention, vu que l'option "se rallier à la candidature Sarkozy" avait déjà été écartée...)

 

A gauche, le PS a passé des mois à élaborer un programme de synthèse, à débattre de comment devait avoir lieu les primaires, puis les organiser ; les Verts comme d'habitude ont fait je ne sais combien de congrès, jonglant avec leurs 1ers secretaires et candidats potentiels et élaborant un programme tordu dans des instances où leur multitude de courrants sont représentés à la proportionnelle ; les anti-libéraux ont voulu s'élire un candidat unique puis se sont dispersés. Et de tous, celui qui s'en est le mieux tiré est Besancenot, qui le premier a refusé de soumettre sa candidature à la démocratie interne d'un regroupement anti-libéral.

Le PS quant à lui s'est payé le luxe non seulement de laisser son programme et son candidat être élaboré/désigné par ses mécanismes de démocratie interne, mais encore d'ultra-médiatiser celle ci, au point de bouffer le temps d'antenne auquel il avait droit. Dans la période précédent la campagne officielle, la télévision a consacré plus de temps à la bataille pour l'investiture (avec l'idée imbécile de lui laisser retransmettre des débats qui auraient dù par définition être internes) qu'au discours de la seule personne qui aurait dù être autorisée à s'exprimer au nom des socialistes devant les non socialistes, la candidate finalement désignée. On dirait qu'au PS on n'a aucune conscience du système des temps d'antenne, qui compte de la même manière un membre d'un parti parlant en son nom dans le cadre d'un débat interne et un membre d'un parti qui parle au nom de celui ci. Avoir transformé les primaires en Star Academy, ça signifie avoir consacré les deux tiers du temps de parole collectif des socialistes à cette période au mieux à en montrer exprimant des opinions qui ne seront pas finalement retenues par leur candidate, au pire en train de se voler dans les plumes à coups de petites phrases. Et en prime, les deux mois suivant l'investiture, les médias audiovisuels ont compensé les 20% de temps d'antenne de trop qu'ils avaient consacré au PS à la période des débats internes... Et la "compensation" à avoir montrer les socialistes se tapant dessus ça a été de diffuser largement le spectacle de l'unité de l'UMP lors des plébiscites du candidat unique Sarkozy et de son programme. Le fait est que, ne serait ce que pour ça, et en soi c'est horrible, un grand parti ne peut plus se permettre d'avoir une vraie démocratie interne (sauf à fermer les portes de ses congrès et débats aux journalistes).

Mais l'impact de la démocratie interne ultra-médiatisée du PS ne se limite pas aux primaires ni à un problème de temps d'antenne. Bien avant il y a eu le referendum interne sur la constitution européenne et les débats qu'il a entrainé, pour bien donner l'image de socialistes d'accord sur rien ; un peu comme une vaste répétition des erreurs qui seraient commises de nouveau en 2007. Et à la racine il y a la tradition des courrants, qu'il faudrait plutôt appeler "clubs de supporters d'un présidentiable", vu comment ils ont évolué à la fin de l'ère Mitterrand. Le PS a un système constitué à l'époque d'un leader à la fois fort et habile, capable de faire taire ses rivaux (en externe) tout en plaçant à la tête de courrants (en interne) ceux qui rêvaient de le remplacer un jour, les diviser lui permettant de règner.

En face, il n'y a pas pourtant pas moins de sujets de débats et de divisions, sans même parler d'ambitions personnelles... La famille gaulliste n'est certainement pas à 100% ouiste et encore moins à 100% anti-américaine sous Chirac ou pro-américaine aujourd'hui, les "libéraux" ne sont certainement à 100% favorables aux politiques volontaristes ou régulatrices chiraquiennes ou sarkozistes aujourd'hui, les démocrates et gaullistes sociaux ne partagent certainement pas les vues des ultra-conservateurs ou des libéraux sur "l'exception française" ; sur les institutions et la personnalisation du pouvoir les ex-UDF de l'UMP continuent a avoir bien des points de divergence avec certains gaullistes quasiment bonapartistes issus du RPR... Quant au récemment créé Modem, ce rassemblement hétéroclite de rigueurophiles, de socio-libéraux, de vrais centristes et de déçus des deux bords, de fans du grand Bayrou et de partisans d'un régime parlementaire, il aurait des raisons mille fois plus valables d'apparaître comme un parti divisé que le PS, pourtant ce n'est absolument pas le cas.

Le fait est que la droite a une autre tradition, qui s'avère bien plus adaptée au régime médiatique moderne. Celle de se fier à un leader pouvant gagner, et d'accepter qu'il tranche pour ce qui est du programme. Et s'il y en a plusieurs ou si leurs programmes sont trop inconciliables, elle se fie au choix des français choisir plutôt que des militants. Et ça marche, car des primaires "externes" procurent une légitimité que ne peut offrir aucun vote interne. La droite s'est bien mieux remise de l'affrontement externe Balladur-Chirac de 1995 que le PS de l'affrontement interne du congrès de Rennes 2 ans avant. La tendance ultra-libérale de droite a été condamnée au silence par l'échec cuisant de Madelin, le nonisme de droite à la marginalité par ceux de De Villiers et Pasqua... A droite les mécontents soient se taisent à l'intérieur de l'UMP soit forment des groupuscules satellites, qui se rallient sans problème au second tour.

Evidemment, traumatisé de n'avoir pu passer le premier tour de 2002 le PS n'a pas osé se le permettre, mais franchement à mon avis, quitte à avoir perdu, on se sentirait mieux aujourd'hui s'il y avait eu deux candidats. Il est des choses qui ne peuvent pas être résolues en interne. Clairement on ne peut pas dire "oui" et "non" à la fois à l'Europe comme au libéralisme, ni viser à rallier l'extrème-gauche et le centre en même temps. Il est probable que ces débats ne seront clos au PS, les choix tranchés, les opposants forcés de rentrer dans le rang, qu'une fois que la famille socialiste aura assumé ses divisions devant le peuple. Et dans le système français le seul moment approprié est un premier tour de présidentielle, seule élection ayant assez une légitimité et un impact assez puissant.

Je crains qu'en ayant voulu à tout prix rester "unis" derrière une seule pour cette présidentielle, après avoir donné le spectacle de leur division (à quoi bon limiter les débats à l'interne... quand c'est un "interne" si affiché que ça relève de l'exhibitionisme) les socialistes aient surtout pris 5 ans de retard en refusant de s'administrer le douloureux remède à leur situation. Plutôt que "tous ensemble" c'est "allons y divisés", qu'il aurait fallu scander pour faire avancer la gauche. Le rassemblement de tendances aux idéaux proches ayant d'aussi fortes divergences qu'entre les ouistes et les nonistes, ça se fait entre les deux tours pas avant. Entre les socio-démocrates et les anti-libéraux du PS, il y a autant de différence qu'entre le PS de Mitterrand et ses alliés communistes. Qu'on se rappelle donc de son histoire ! Mitterrand candidat unique d'une gauche qui ne l'était pas a perdu en 1974 malgré ses 43% au premier tour... pour gagner en 1981 en candidat de rassemblement d'une gauche de gouvernement partie avec deux candidats.

Rien n'a été (et à mon avis ne sera) résolu par les congrès, referendums internes ou autres primaires, on se retrouve comme en 2002, et j'ai bien peur qu'on s'y re-retrouvera. Tant que ça ne sera pas tranché par une vraie élection. On continuera à voir au PS les mêmes tendances exprimer les mêmes divergences, le tout se doublant évidemment de conflits de personnes entre leurs dirigeants. Et si un leader des socialistes minoritaires quels qu'ils soient (en 2007 ça aurait été Fabius, mais il n'est pas dit que la minorité reste du même coté ni garde le même leader) ne trouve pas le courage d'être candidat en 2012, devant les français et quelque soit l'avis du nombre infime d'entre eux à être militants encartés, ça risque bien d'être rebelotte en 2012, et pour longtemps.

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