La Nétiquette rend Schyzophrène

Publié le par Toine

Alors que j'alterne des articles sur des thèmes n'ayant rien à voir entre eux, je me pose la question de pourquoi j'ai choisi de faire ça plutot que de créer des pages sur des thèmes différents. Ou faire comme j'ai toujours fait sur internet : ne pas créer de pages mais m'exprimer sur tel ou tel espace spécialisé, forum, commentaire de blog ou mailing-list.  

La raison je dois l'avouer tient à un certain mal-être, qui a fini par m'envahir durant ces douzes dernières années, celles que j'ai passées sur où j'ai fréquenté internet.

Loin de moi la haîne aveugle de la "virtualité", ou une distinction arbitraire entre ce qui ferait partie du "réel" ou pas. "In Real Life" est une expression absurde. Sur internet qui est un outil de communication réel, ni plus ni moins que la radio ou le téléphone, on a des échanges avec des personnes réelles elles aussi. Si évidemment le temps passé sur ce média est concurrent du temps passé ailleurs, avec d'autres personnes réelles, via un autre média ou pas, ce n'est pas pour autant qu'on évoluerait dans un monde "virtuel".

Par contre, si on n'y prend pas garde, on peut se mettre à mener une vie virtuelle, c'est à dire ne plus être soi mais un "être" produit par le média. Et le cloisonnement, la séparation des éspaces fait beaucoup à celà. La "netiquette" qui exige de ne parler de choses que là où on doit parler de ces choses rend schyzophrène quelque part...

J'ai écrit, énormément en douze ans, peut être plus que dans toute ma vie d'avant, j'ai écrit sur des dizaines de sujets, sans jamais m'écarter du sujet. J'ai écrit je ne sais combien de centaines de messages sur l'actualité, la politique, ma philosophie sur des espaces consacrés à l'actualité, la politique, la philosophie sans jamais y aborder rien d'autre de ce qui m'intéresse, sans jamais rien faire connaître de moi, voir en cherchant à ce qu'on m'imagine menant une vie autre que la mienne, dans l'intéret de mon argumentation. J'ai publié je ne sais combien de dizaines de textes de contes, et de centaines de messages sur les contes, du temps où j'étais conteur, en ne me présentant que comme conteur ou en ne me présentant pas, considérant que le public n'était pas concerné par d'autres aspects de moi. J'ai écrit des centaines, milliers de messages sur les jeux, sur des forums de jeux, en ne parlant que de jeux, j'allais quand même pas y dire des trucs sérieux. J'ai mis des poésies mièvres, et des textes plein d'humour noir, et des petites nouvelles fantastiques et des gazettes de jeu en ligne, là où les gens attendaient des poésies mièvres, ou de l'humour noir, ou du fantastique ou une gazette de jeu.

Le jour où je m'intéresse à la coupe du monde, je deviens spécialiste de foot sur un forum de foot, jsuis un militant et rien qu'un militant sur un forum politique quand approchent les élections, je redeviens un rôliste si je parle à des rôlistes même si j'ai pas joué depuis je ne sais quand, un "fan de" plein de trucs selon ce qui m'intéresse sur le moment, je suis cinéphile sur les sites de cinéma, parle de séries là où on parle de séries, je me transforme parfois en teknoïde pour complimenter un DJ, oubliant que ça fait 10 ans que j'ai plus les oreilles qui bourdonnent. Sur les forums sérieux je parle bien, j'utilise le correcteur orthographique les jours où je suis écrivain ou philosophe, dans d'autres lieux je parle comme tous les jours et sur les chats je blablate de tout et de rien en disant "kikou" et "lol". Même sur les sites de rencontres jsuis pas complètement moi jsuis selon les cas un mec cherchant une nana ou un humain cherchant des amis, et tout ce que je dis dépend de mes buts et de ma stratégie.

Ca n'a peut être rien à voir avec internet, finalement. On peut n'être plus qu'un supporter si on va à un match, n'être qu'un fêtard dans les bars ou qu'un dragueur en boîte de nuit, on va pas parler politique avec les gens avec qui on fait du yoga, on t'entend pas si tu déclame un poème au milieu d'un teknival, et on te coupe la parole si tu raconte ta vie dans une réunion politique. Mais d'un autre coté, hors d'internet, même quand on voudrait ne plus être qu'un masque social, y'a toujours l'apparence, et surtout l'énorme quantité petits tics, de manies, de lapsus qui nous différencient, ce qui émane de nous, notre énergie... Autant de choses qui font que quelque soit notre fonction du moment on ne se limite jamais à la personnalité qu'on endosse, le regard d'autrui est trop perçant pour ne pas venir à bout des cloisonnements ; comme dirait Jung le Soi transparait toujours derrière la personna. Et puis surtout ailleurs, tout est bien moins rangé, cloisonné, catégorisé, y'a plein de lieux, d'occupations et de gens inclassables ce qui nous permet de l'être soi-même, ou d'être soi même tout court.

Enfin donc (<-- tic de langage) voilà, si j'ai envie de faire un vaste fourre-tout de textes divers, c'est que j'ai envie même sur internet d'un lieu inclassable, où je puisse l'être, ou être inclassable, ou être moi, ou que ce lieu soit moi, ou un truc comme ça.

Publié dans Mon Blog

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article